Le 19 juillet 2007, après la défaite électorale des socialistes aux élections législatives de juin, Elio Di Rupo, président du PS, décide de remanier les gouvernements régionaux. Marc Tarabella, 44 ans, bourgmestre d’Anthisnes et député européen, se voit confier le portefeuille de la Formation à la Région wallonne et celui de la Jeunesse et de la Promotion sociale à la Communauté française. Des matières qu’il juge complémentaires.
Ce lundi 29 octobre, il était l’invité des métallos liégeois. L’occasion, pour 6com, de questionner le ministre fraîchement nommé sur ses intentions politiques, notamment en ce qui concerne la formation continue des travailleurs.
6com : Comment vous définissez-vous par rapport à votre nouvelle fonction ?
Marc Tarabella : Je suis un homme de terrain. Même quand j’étais député européen siégeant dans les commissions de l’agriculture-ruralité et du marché intérieur-protection des consommateurs, je suis toujours resté près des citoyens qui ont pourtant une vision bien éloignée de l’Europe. Désormais, en tant que ministre communautaire et régional de la Formation et de la Promotion sociale, je suis toujours là pour expliquer, démystifier en me rendant sur le terrain pour voir comment les mesures prises s’appliquent concrètement.
6com : Il y a quand même une différence puisque vous êtes désormais dans un exécutif.
MT : C’est une vraie stimulation de participer à la prise de décision. Je n’ai que peu de répit car les semaines sont très chargées et je participe aux deux exécutifs, le jeudi à la Région et le vendredi à la Communauté.
6com : Précisément, comment ressentez-vous la tendance actuelle de rapprochement entre les deux institutions ?
MT : Créer une commission de réflexion sur l’avenir de la Communauté et de la Région est une bonne chose. Les synergies doivent être encouragées. Toutefois, le fait régional existe. Je ne comprendrais pas qu’il soit dissous dans la Communauté.
6com : en charge de la formation, vous êtes confronté au problème des métiers en pénurie ?
MT : Les métiers en pénurie nous interpellent quand on sait qu’il y a près de 35.000 postes de travail qui ne trouvent pas preneurs face à plus de 200.000 chômeurs. Il faut bien identifier les métiers en pénurie et mesurer l’utilité et la pertinence de certaines filières de formation. Nous manquons de soudeurs par exemple. Ils peuvent pourtant être formés très rapidement, en quelques semaines. Les centres de compétences et les entreprises de formation par le travail sont là pour ça.
6com : les employeurs et les travailleurs sont–ils toujours bien informés des outils de formation existants ?
MT : C’est un réel problème. Quand un décideur prend une mesure, il doit le faire savoir. Ce n’est pas acquis parce qu’on a décidé quelque chose, par exemple la formule du tutorat qui permet à un travailleur de 45 ans et plus de prendre, moyennant compensations, la formation d’un jeune en charge. Nous avons un budget pour 100 personnes. Il faut le faire savoir aux acteurs concernés en utilisant les canaux d’information les plus adéquats comme les syndicats notamment. Faire, et faire savoir : l’un ne va pas sans l’autre.
6com : les chômeurs de longue durée sont dans un cercle vicieux. Il leur est difficile de se réinsérer sur le marché du travail…
MT : Les chômeurs de longue durée sont fragilisés. Se lever le matin peut même représenter un réel défi. Les entreprises de formation par le travail (EFT) et les organismes d’insertion socio-professionnelle
(OISP) s’adressent directement à ces personnes. Nombre d’entre eux sont en attente d’agrément et/ou de subventions. Mon premier objectif est de faire lever le moratoire dont ils sont l’objet lors des exécutifs communautaire et régional d’après la semaine de la Toussaint. Les derniers arbitrages budgétaires auront lieu à ce moment.
6com : comment fonctionnent les comités subrégionaux de l’emploi ?
MT : Il y en a qui fonctionnent mieux que d’autres. Je veux encourager à cet égard la réalisation d’un cadastre afin d’améliorer la mécanique des comités. Je n’ai pas l’ambition de créer un nouveau bidule. Je souhaite que ces comités fonctionnent dans l’intérêt des chômeurs, pas en terme de concurrence pour obtenir des aides.
6com : quels sont les outils de formation à encourager pour rapprocher l’enseignement et le monde du travail?
MT : Ils sont plusieurs. Nous avons le projet « école-entreprise » avec l’Union Wallonne des Entreprises. La formation en alternance (IFAPME-CEFA). Et dès le début du secondaire, plusieurs projets. Cela passe aussi par une revalorisation de l’image de l’enseignement technique et professionnel. Il ne sert à rien de se lancer dans des études classiques si c’est pour se retrouver sans emploi au terme de celles-ci.
6com : Et la formation continue ? N’est-elle pas décriée par les patrons ?
MT : Trop souvent, ils la considèrent plus comme un coût que comme un investissement. Il est vrai que c’est compréhensible dans le chef des PME qui constituent le principal acteur économique en Wallonie. La formation continue est pourtant un plus qu’il faut encourager.
6com : Vous avez été délégué syndical dans une banque qui était alors publique. Il n’y en a plus aujourd’hui. Sa nécessité n’est-elle pas pourtant plus que jamais d’actualité ?
MT : Il y a un réel paradoxe en la matière. Les banques veulent un Etat de moins en moins présent et le monde entrepreneurial aussi. Mais au moindre problème, au moindre risque, l’Etat est appelé à la rescousse. C’est un peu facile quand on sait que les clients et les travailleurs subissent les conséquences de cette indécente rentabilité à deux chiffres qui permet de maximiser les profits. Si intervention publique il doit y avoir, le civisme imposerait que chacun y participe.
6com : Sur le terrain de la politique locale, des changements sont intervenus récemment au PS de Huy-Waremme. Vous n’y êtes pas étranger.
MT : Un changement de cap était nécessaire et cela s’est traduit par l’arrivée de personnes comme Serge Manzato (Bourgmestre d’Engis et nouveau président du PS régional). Il conviendra de retourner vers les militants qui n’étaient pas toujours suffisamment intégrés à la démarche du parti. Prenons le cas du 1er mai. Le meilleur 1er mai, je le passe sur la place Saint-Paul parce qu’il y a un temps pour les discours et un temps pour le festif, l’associatif. A Huy et à Waremme, il y a cinq discours de chaque côté et on court d’une ville à l’autre. Je suis partisan d’un 1er mai de proximité dans un maximum d’endroits.
6com : Vous identifiez-vous à un courant plutôt qu’à un autre au sein du PS ?
MT : Pas vraiment. Un jour, un quotidien a dressé mon portrait en me qualifiant de rocardien. J’ai montré ce titre à Michel Rocard, député européen français. Ce dernier m’a dit en riant : « Mon pauvre vieux. Et vous avez survécu à ça? ».
6com : Comment vos citoyens d’Anthisnes où vous êtes bourgmestre empêché ont-ils ressenti votre désignation comme ministre ?
MT : Beaucoup mieux que lorsque je suis devenu député européen. Comme je le disais au début de l’entretien, quand je suis parti à l’Europe, ils ont eu peur que je les abandonne. Par contre, le 20 juillet dernier, il y avait un bal populaire à Anthisnes et quand je suis revenu de ma prestation de serment, j’ai lu de la fierté dans leurs yeux. Je suis viscéralement attaché à ma commune et je serai candidat bourgmestre en 2012 tout comme je conduirai logiquement la liste du PS à Huy-Waremme pour les régionales de 2009.