1. Ce qu’est la Convention
Lancée en mars 2002, la Convention pour l’Avenir de l’Europe a pour mission de proposer les éléments d’élaboration d’un texte qui sera, ni plus ni moins, la constitution de l’Union européenne.
Le principe de la Convention a été décidé au sommet de Laeken, en décembre 2001. Le but est de réduire le « déficit démocratique » de l’Europe, considéré comme la conséquence des actuels processus de décision au plan européen (où tout se conclut lors de sommets engendrant des compromis illisibles par le citoyen).
La convention n’a que la mission préparatoire d’élaborer un texte précisant « qui fait quoi » en Europe. Ce texte sera ensuite soumis à une conférence intergouvernementale qui devra fournir les éléments pour une décision d’un Conseil européen classique. Une dernière grand-messe pour (peut-être) supprimer les grands-messe, en somme.
La Convention doit clôturer ses travaux pour le conseil européen de juin 2003. Celui-ci lancera les travaux de la conférence intergouvernementale qui, elle- même, soumettra un texte définitif au conseil européen de juin 2004. Tout ça en principe…
2. Les membres de la Convention
La convention est présidée par Valéry Giscard d’Estaing. Deux vice-présidents : le Belge Jean-Luc Dehaene et l’Italien Giuliano Amato.
Elle est composée, en plus des président et vice-présidents, de représentants (1 par Etat) des gouvernements de l’Union, de représentants des gouvernements des pays candidats (1 par Etat), de représentants des parlements nationaux des pays membres et des pays candidats (2 par pays), de membres du parlement européen et de représentants de la commission européenne, soit 105 membres en tout. De ce point de vue, il s’agit d’une institution tout à fait originale, puisqu’elle intègre des représentants des parlements nationaux.
Un praesidium de 12 personnes (+ un invité représentant les pays candidats) a été désigné parmi ces 105 membres : le président, les vice-présidents, 2 représentants du Parlement européen, 2 représentants de la Commission, 2 représentants des parlements nationaux, de représentants des pays qui présideront l’Union pendant la période d’existence de la convention.
Les Belges sont :
- le vice- président Jean-Luc Dehaene (le seul à siéger au praesidium) ;
- Louis Michel (ministre des Affaires étrangères) ;
- Karel De Gucht (VLD) et Elio Di Rupo (PS) comme représentants des parlements nationaux ;
- Anne Van Lancker (SP.A) par le biais du Parlement européen.
Notons aussi des observateurs belges : Jos Chabert (ministre CD&V du gouvernement bruxellois), par le biais du Comité européen des Régions, Patrick Dewael (ministre-Président du gouvernement flamand), par le même biais et Georges Jacobs (patron d’UCB et ex-patron de la FEB, actuel patron de la confédération européenne des associations patronales), par le biais des partenaires sociaux.
3. Les positions syndicales
Une série de positions syndicales existent sur le sujet de la construction européenne. Le texte le plus récent a été diffusé par la CES. Il s’intitule « Pour une Europe sociale et des citoyens ».
Les positions de la CES sont le fruit d’un compromis entre les différentes organisations. La FGTB a quant à elle produit des positions plus pointues.
En très courte synthèse, la FGTB souhaite une Europe institutionnellement démocratique (le pouvoir final appartient à une institution responsable devant les représentants du corps électoral ; les décisions concernant les matières sociales, fiscales et environnementales doivent se prendre à la majorité, et non doivent plus comme aujourd’hui nécessiter l’unanimité). La FGTB met l’accent sur l’Europe sociale, évidemment, avec trois axes : - sécurité sociale (à améliorer et à étendre sur base de mécanismes d’assurance et de solidarité) - service public (renationalisation du privatisé, refus de nouvelles privatisations, refinancement) - liberté et droits syndicaux (création de véritables relations sociales au plan européen, reconnaissance du droit de grève…) Autres éléments importants dans les positions FGTB : mener une politique de croissance économique fondée sur des emplois de qualité et mettre en place une véritable Europe fiscale.
Une critique du principe de cette convention: cliquez ici
4. Les premiers textes
Le président de la Convention a présenté le 28 octobre un premier texte, qui n’est en fait qu’une « ossature », un canevas qui permettra les débats devant aboutir au texte final. Ce texte doit se composer de trois parties :
- La première est consacrée à l’architecture constitutionnelle. Elle comprend les valeurs, les objectifs, les institutions. C’est la constitution proprement dite.
- La deuxième traite des politiques de l’union et de leur mise en œuvre (ces textes seront plus facilement révisables).
- La troisième comprendra les dispositions transitoires entre ce texte et les traités antérieurs.
Seule la première de ces trois parties a déjà été couchée sur le papier de manière synthétique : les objectifs à atteindre dans l’article sont indiqués. Selon les observateurs européens, on est toutefois bien au-delà du brouillon : le texte présenté établit un véritable cadre.
En voici la synthèse (source : Le Monde). L'article premier prévoit de mettre en place une entité qui pourrait être nommée "Communauté européenne", "Union européenne", "Etats-Unis d'Europe" ou "Europe unie". Il s'agit d'une Union d'Etats, conservant leur identité nationale, qui coordonnent étroitement leurs politiques au niveau européen et qui gèrent, sur le mode fédéral, certaines compétences communes. L'article reconnaît le caractère pluriel de l'Union, qui est ouverte à tous les Etats européens qui partagent les mêmes valeurs et qui s'engagent à les promouvoir en commun. L'article 2 énumère les valeurs de l'Union : dignité humaine, droits fondamentaux, démocratie, état de droit, tolérance, respect des obligations et du droit international. L'article 3 définit les objectifs de l'Union : sauvegarde des valeurs communes, promotion de la cohésion économique et sociale, renforcement du marché intérieur de l'Union économique et monétaire, promotion de l'emploi et degré élevé de protection sociale, protection de l'environnement, création d'un espace de liberté, de sécurité et de justice, développement d'une politique étrangère et de sécurité commune, ainsi que de défense. L'article 4 reconnaît la personnalité juridique de l'Union. L'article 5 accorde à tout citoyen la double citoyenneté, nationale et européenne, et énumère les droits qui y sont attachés : circulation, séjour, vote et éligibilité aux élections municipales et européennes. Il établit le principe de non- discrimination des citoyens de l'Union en fonction de la nationalité. L'article 6 doit permettre d'inclure dans la Constitution la Charte des droits fondamentaux adoptée à Nice en décembre 2000. L'article 7 définit les principes d'action de l'Union, qui doit agir dans le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité. L'article 8 précise que toute compétence non attribuée par la Constitution à l'Union demeure de la compétence des Etats membres, établit la primauté du droit de l'Union dans l'exercice des compétences qui lui ont été confiées, fixe les règles de contrôle de la subsidiarité et précise à cet égard le rôle des Parlements nationaux. L'article 10 énumère les catégories de compétence exclusives de l'Union, l'article 11 celles qui sont partagées avec les Etats membres. L'article 12 précise les domaines où l'Union appuie ou coordonne l'action des Etats membres mais n'a pas la compétence pour légiférer. L'article 14 établit que l'Union dispose d'un cadre institutionnel unique et énumère les institutions de l'Union. Les articles 15 à 23 établissent les institutions (Conseil européen, Parlement, Commission, Conseil des ministres, Cour de justice, Banque centrale européenne, etc.), ainsi que le mode de désignation de leurs membres et présidents. L'article 19 évoque la possibilité d'instituer un Congrès des peuples d'Europe et précise quelles seraient sa composition et sa mission. Les articles 24 à 32 définissent la mise en œuvre des actions de l'Union. Les articles 29, 30 et 31 précisent les procédures applicables pour la politique étrangère, les politiques de défense, de police et de justice. L'article 38 prévoit que le budget de l'Union est intégralement financé par des ressources propres. L'article 41 établit qui représente l'Union dans le monde et définit le rôle et le rang du futur haut- représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune. L'article 45 établit la suspension des droits d'appartenance à l'Union en cas de constatation d'une violation des principes et valeurs de l'Union par un Etat membre. L'article 46 mentionne la possibilité d'établir la procédure de retrait volontaire de l'Union d'un Etat membre.
Citons deux réactions qui reflètent bien cet état d’esprit : le député « Vert » Autrichien Voggenhuber déplore que des sujets « ne soient même pas pris en compte, comme l’exigence d’avoir une politique sociale de l’Union ». « L’Union n’est pas un Etat, donc elle doit partir des objectif communs – que voulons-nous faire ensemble ? – pour répondre aux questions institutionnelles. Or, on est en train de fermer toutes les portes pour pouvoir parler du contenu des politiques », renchérit la députée socialiste française Berès.
5. Quelques éléments d’analyse La première partie du texte est clairement institutionnelle. Il s’agit de répondre au défi de l’approfondissement démocratique en mettant en œuvre des mécaniques de décision. Au-delà de la discussion sur les techniques institutionnelles (et ce qui en découle en termes de démocratie), on doit regretter le peu de références aux questions sociales.
1. La politique sociale n’est pas, dans l’état actuel, intégrée dans les objectifs généraux de l’Union (article 3). Des références à la charte des droits fondamentaux de l’union européenne sont envisagées (en ce qui concerne les politiques sociales, spécialement les articles 27 à 38. Pour le texte intégral de la charte, voir http://ue.eu.int/ df/docs/fr/CharteFR.pdf ). Ces références sont insuffisantes (restrictions en ce qui concerne le droit de grève, absence des droits au logement, à une pension minimale, aux soins de santé, à l’accès aux services publics, questions du temps de travail…).
Quelques critiques de la charte en général: cliquez ici
Une "contre charte": cliquez ici
2. Les questions sociales risquent fort d’être abordées dans la deuxième partie, non encore rédigée. On notera que la politique sociale ne fait même pas l’objet d’un chapitre particulier, à l’inverse du « marché intérieur », de la « politique économique et monétaire » ou des « questions de sécurité ». La politique sociale est « reléguée » dans les « autres domaines spécifiques ». Les questions d’emploi, de santé publique, d’industrie, de culture, de formation professionnelle sont des domaines où l’Union « peut » mener une action «d’appui ».
3. Quelques contributions intéressantes : - sur la politique sociale (Pierre Moscovici) : http://register.consilium.eu.int/pdf/fr/02/cv00/00388f2.pdf - la position des socialistes européens : http://register.consilium.eu.int/pdf/fr/02/cv00/00392f2.pdf - la position de socialistes français sur le service public : http://register.consilium.eu.int/pdf/fr/02/cv00/00319f2.pdf
4. Des demandes de débat public: cliquez ici
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