Les régimes de pension
Après la Seconde Guerre mondiale, sous l’impulsion du mouvement ouvrier, la Belgique a développé un système de sécurité sociale très étendu dont le financement reste assuré essentiellement par les cotisations obligatoires sur le travail, versées tant par les travailleurs salariés, les employeurs du secteur privé, les travailleurs indépendants que les agents de la fonction publique.
Parmi les principales interventions de notre système de sécurité sociale, à côté notamment des dépenses en soins de santé ou encore des allocations de chômage, figurent celles liées au paiement des pensions.
Il découle des principes de la sécurité sociale que chaque travailleur du secteur privé obtient, en contrepartie du paiement de ses cotisations sociales, un droit au versement d’une pension légale qu’il pourra faire valoir plus tard, en remplacement du salaire, une fois qu’il aura atteint effectivement l’âge de la retraite fixé par la loi. Ce sont donc les actifs d’aujourd’hui qui paient les charges de retraites d’aujourd’hui.
Dans notre jargon quotidien, le terme « pension » revient très régulièrement et peut avoir une grande variété de sens différents qui ne sont pas toujours clairs pour tout le monde : pension de survie, prépension, pension légale, pension complémentaire, pension d’indépendant, pension du privé, pension de la fonction publique, etc.
Sans entrer dans tous les détails et subtilités des termes, il est bon de préciser qu’il existe depuis une quinzaine d’année une théorie qui tend à distinguer trois grandes catégories (aussi appelés « piliers ») de pensions :
1. Pension légale (calculée sur base d’un salaire plafonné et financée essentiellement par des cotisations obligatoires sur le travail), organisée dans le cadre du système de sécurité sociale, et qui correspond au premier pilier,
2. Assurance-groupe d’entreprise ou sectorielle (deuxième pilier), dont le financement est opéré sur base de cotisations complémentaires, au niveau soit d’une entreprise soit d’un secteur donc d’une commission paritaire ou d’une sous-commission paritaire (comme par exemple dans les CP 149.0, 149.02 et 149.04 ou encore la CP 209.00),
3. Assurance-vie ou épargne-pension individuelle (troisième pilier), souscrite à l’initiative du seul travailleur.
Cette nouvelle approche idéologique repose sur le présupposé que le vieillissement démographique auquel sont confrontés les pays industrialisés (dont la Belgique) rendra insurmontable le financement, au sein de la sécurité sociale, des régimes légaux de pension dans les toutes prochaines années. Et plutôt que de présenter le vieillissement de la population comme étant d’abord la conséquence directe et heureuse d’une amélioration globale des conditions de vie et de travail pour laquelle les travailleurs se sont mobilisés depuis des décennies, elle le caractérise comme un fardeau voire une catastrophe économique.
Comme pour répondre à ce constat, la théorie des trois piliers de pension avance ainsi la nécessité des travailleurs de compléter la pension légale - et de préserver leur niveau de vie -, par une pension complémentaire (extra-légale) constituée à titre privé au cours de la vie active.
Il existe dans le premier pilier de pension une différence entre trois régimes de pension selon qu’elle est établie sur base d’une carrière en tant que travailleur salarié (ouvrier ou employé) du secteur privé, fonctionnaire nommé par l’État ou travailleur indépendant.
De plus, dans chacun de ces trois régimes, on distingue la pension de retraite (garantie à tous les travailleurs et accordée en fonction de la durée de la carrière d’un travailleur mais également des rémunérations perçues au cours de celle-ci et de sa situation familiale) de la pension de survie (après le décès du conjoint).
Les partisans (libéraux) de l’extension des deuxième et troisième piliers de pensions poursuivent essentiellement la réalisation de deux grands objectifs : celui de drainer l’épargne des travailleurs vers des institutions financières privées (banques, compagnies d’assurances et fonds de placements) afin de leur apporter des flux réguliers de capitaux frais, et réduire les pensions légales (du premier pilier) à sa plus simple expression - donc à une pension minimum de base - afin de remettre en question par ailleurs les fondements de la sécurité sociale, à savoir la solidarité et le souci d’une meilleure répartition des richesses.
Les réserves financières constituées dans le cadre des piliers II et III font l’objet de placements qui sont investis à risque dans les circuits économiques et financiers, et serviront, à l’échéance, une fois l’âge de la retraite atteint, à payer les pensions complémentaires.
2. Les systèmes de pensions collectives complémentaires (du deuxième pilier)
Pour les travailleurs sous contrat de travail, l’employeur privé (ou un secteur) peut organiser deux systèmes différents (externes à l’entreprise) :
- L’assurance de groupe
L’employeur signe un contrat avec une compagnie d’assurance afin de garantir un complément de pension pour ses travailleurs. L’assureur s’engage alors à gérer les montants qui lui sont confiés par l’employeur et cherche à les faire fructifier au mieux ; la législation belge limite cependant à 3,75 % la garantie de rendement sur les primes accumulées.
- Le fonds de pension
Il s’agit d’une ASBL ou d’une association mutuelle d’assurance distincte de l’entreprise, chargée de gérer les primes recueillies. Le taux de rendement est variable, et est en général supérieur à celui proposé dans le cadre d’une assurance de groupe.
Mais au cours des dernières années, plusieurs scandales d’ampleur ont permis de révéler au grand public quels pouvaient être les risques liés à ce type d’institutions. En effet, de nombreuses multinationales vacillantes (anglo-saxonnes surtout comme Maxwell, Worldcom ou Enron) ont fait appel aux capitaux de gigantesques fonds de pension afin de financer leurs projets d’expansion très risqués, cela avant de faire faillite. Ce qui a eu pour effets de faire fondre au passage les économies de plusieurs centaines de milliers de salariés et de petits actionnaires, désormais ruinés !
L’employeur peut également opter pour une formule interne (à l’entreprise) qui consiste à faire une promesse individuelle de pension et qui se concrétise par le biais d’une provision au passif du bilan de l’entreprise en question.
Actuellement, le deuxième pilier permet déjà à 800.000 retraités du secteur privé - soit 1/3 des pensionnés du pays -, de bénéficier de ces différentes formes de revenus de complément.
Les avantages offerts par une pension collective complémentaire
Les avantages extra-légaux procurés par un régime de pension complémentaire peuvent prendre les trois formes suivantes : une pension de vieillesse (sous forme de rente ou de capital) ; une pension de survie (pour les veufs, veuves et orphelins), suite au décès du travailleur bénéficiaire avant ou après l’âge de la retraite ou encore une pension d’invalidité.
Il est possible de percevoir ces compléments de pension sous deux formes distinctes : sous forme de capital, (une ‘cagnotte’ perçue en une fois) ou bien sous forme d’une rente, périodiquement comme complément (étalé dans le temps) de la pension légale.
En Belgique, on peut opter aujourd’hui pour deux grandes catégories de plans de pension complémentaire, caractérisés par des modes de financement différents :
1. Plan « Objectif à atteindre » [ou plan « Avantage déterminé »]
Dans ce type de plan, au préalable, l’employeur promet un montant déterminé pour la pension [capital ou rente], lié à l’évolution du bien-être. Les cotisations versées par l’employeur ne sont cependant pas déterminées d’avance. Leur importance est donc fonction du montant de pension extra-légale promis.
2. Plan « Cotisations fixées » [ou plan « Cotisations déterminées »]
L’employeur ne promet pas de montant final. Il s’engage plutôt à verser régulièrement une contribution dont le montant est prédéterminé. Le niveau de pension complémentaire sera dès lors fonction du volume de cotisations versées au fil des mois, des années.
Le plus souvent, dans ce type de formule, l’employeur verse une cotisation ‘patronale’ d’environ 3 % du salaire annuel brut, pour 1 % à charge du travailleur (s’il s’agit d’un financement ‘mixte’).
Dans les grandes entreprises (multinationales), le système de « fonds de pension » est le plus souvent préféré ; dans ce système, les représentants des travailleurs sont associés régulièrement à la gestion des fonds recueillis.
Toutefois, on ne peut pas négliger les risques liés à ce type d’institutions : un risque soit de détournement, soit d’utilisation antisociale au nom du rendement financier (comme les fonds de pension anglo-saxons et nord-américains qui injectent des montants colossaux dans des multinationales très rentables, y compris européennes, et pèsent lourdement sur ces dernières afin d’en augmenter la rentabilité généralement par une réduction de la masse salariale, donc de l’emploi).
Néanmoins, en Belgique, depuis le début des années 1990, en raison de strictes obligations légales en la matière, ces risques apparaissent pour le moins limités. En outre, ces dernières années, la plupart des systèmes proposés se sont orientés davantage vers le plan « Cotisations fixées », une option qui tend à faire supporter le risque d’inflation (ou de dépréciation monétaire) par le travailleur-cotisant plutôt que par l’employeur (tel que dans le système « Objectif à atteindre »).
3. Les épargnes-pensions individuelles complémentaires du troisième pilier
Celui ou celle qui ne peut pas bénéficier d’une pension complémentaire du deuxième pilier et qui veut se constituer une ‘poire pour la soif’, peut toujours - pour autant qu’il dispose de moyens financiers suffisants pour ce faire - se constituer par ailleurs un complément auprès d’une banque ou d’une compagnie d’assurance.
Sous certaines conditions, tout qui souscrit à ce type de produit financier peut bénéficier d’avantages fiscaux. Fondée sur les techniques de l’assurance individuelle et privée, cette épargne peut prendre deux formes :
- L’assurance-vie
Tout contribuable disposant d’un revenu professionnel – en tant que salarié ou travailleur indépendant – peut en souscrire une et bénéficier ainsi, selon ses revenus (pour 2007), et en fonction des montants versés, d’un avantage fiscal annuel allant jusqu’à 780 euros.
- L’épargne-pension
Née il y a vingt ans, l’épargne-pension présente deux possibilités : l’épargne-pension, investie dans des fonds de placements gérés par les banques, ou l’assurance-épargne (appelée le plus souvent la Branche 21), organisée par les compagnies d’assurances et investie dans des fonds à capital et à rendement garantis.
Quelle que soit l’optique (banque ou compagnie d’assurances), l’avantage fiscal obtenu au final sera le même. Aussi, tout un chacun (disposant ou non d’un revenu professionnel) est autorisé à souscrire ce type de produit et bénéficier dès lors, selon ses revenus (2007), et en fonction des montants versés, d’un avantage fiscal annuel allant jusqu’à 324 euros.
En revanche, les fonds bancaires n’offrent quant à eux aucune garantie de rendement mais permettent de réaliser de belles primes lorsque les Bourses décollent. A l’inverse, les fonds d’assureurs garantissent tant le capital provisionné qu’un rendement sur ce dernier ; ainsi, quand les places boursières et les marchés financiers offrent de belles perspectives de profits, les compagnies d’assurances se révèlent être souvent avares…Néanmoins, quand les marchés boursiers s’effondrent…
A l’âge de la pension (ou maximum 5 ans avant), lorsque l’on perçoit le capital épargné, le fisc prélèvera 10% d’impôts sur le montant des versements effectués depuis 1993, 16,5% sur ceux qui ont été réalisés auparavant. S’y ajouteront les taxes communales additionnelles. D’où l’intérêt de commencer tôt à capitaliser une épargne-pension, histoire d’étaler dans le temps les prélèvements fiscaux.
Notons qu’en 2007, en Belgique, le secteur de l’épargne-pension complémentaire pesait un peu plus de 1 milliard d’euros, et ne cesse de croître au fil des ans.
Ces systèmes de pension extra-légale (piliers II et III) sont des systèmes dits ‘par capitalisation’ car basés sur l’accumulation de l’épargne individuelle, sur le ‘chacun pour soi’. Ils échappent au contrôle des travailleurs, contrairement à la pension légale (dont l’organisation et la charge sont assurées via la sécurité sociale) - défendue par le monde syndical qui tend à la privilégier par rapport aux deuxième et troisième piliers - qui repose plutôt sur un système de redistribution des revenus -, qui suppose que les travailleurs d’aujourd’hui paient pour les retraités d’aujourd’hui.
Notons que cette matière, en Belgique, a subi un complet remaniement - tant dans ses aspects sociaux que fiscaux -, depuis une Loi (du 28 avril 2003) sur les Pensions Complémentaires, la loi LPC. En effet, après divers scandales financiers de grande ampleur, et l’utilisation abusive d’une partie non négligeable des fonds levés grâce à ces pensions complémentaires, notamment sur le terrain de la spéculation boursière, il convenait dès lors de mieux encadrer les ‘géants’ de l’investissement (bancassureurs et autres fonds de pension), devenus des acteurs économiques et financiers de première importance, en raison des sommes colossales qu’ils sont amenés à gérer.
Stéphane Balthazar

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