La politique européenne de la concurrence
La politique de la concurrence est un pilier de la construction européenne et fait partie des compétences reconnues à la Communauté économique européenne par le Traité de Rome (1957).
Pour les rédacteurs du Traité de Rome, la concurrence n’est pas une fin en soi mais plutôt une condition indispensable à l’approfondissement du marché commun (devenu depuis marché intérieur) donc à la libre circulation des marchandises découlant de la réalisation de ce dernier. Les biens et marchandises devant circuler sans entraves au sein de celui-ci, il semblait logique que les États membres adoptent des règles communes concernant la concurrence, afin qu’elle ne soit pas faussée dans l’intérêt des entreprises et dans celui des consommateurs.
Le rôle de la Commission européenne
C’est à la Commission qu’il appartient de veiller à son bon fonctionnement : elle exerce un pouvoir d’enquête, statue sur le comportement des entreprises et les sanctionne en cas d’infraction. Quant aux vingt-sept États membres, ils ont la responsabilité principale de l’application de l’ensemble des règles européennes de la concurrence. Pratiquement, cette responsabilité incombe aux autorités nationales chargées de la concurrence et aux juridictions (nationales) lorsqu’elles sont amenées à régler un litige en la matière.
Dès lors qu’une situation laisse présumer que la concurrence est restreinte ou faussée, la Commission européenne peut soit se saisir d’office du cas d’infraction, soit agir en réaction à une plainte. Si la Commission décide de ne pas donner suite à une plainte, elle doit informer le plaignant des raisons du rejet. A contrario, la Commission peut décider d’enquêter (si elle l’estime nécessaire).
Les règles européennes de la Concurrence
Cette politique comprend deux grands volets - les règles eu égard aux entreprises et celles portant aux interventions de l’État -, et distinguent pour ce faire plusieurs cas de figure : les ententes, les abus de position dominante et les concentrations.
A. Les règles à l’égard des entreprises
Ø Les ententes
Il s’agit d’un accord ou d’une concertation (le plus souvent tacite) entre plusieurs entreprises dominant le marché, par exemple, sur le niveau des prix ou de la quantité produite. Si quelques grandes entreprises s’accordent pour diminuer leurs prix - afin d’attirer une clientèle plus nombreuse -, elles risquent de provoquer la disparition de plus petites concurrentes, qui ne peuvent suivre cette politique de baisse des prix sans risquer de disparaître à terme.
Afin de protéger les intérêts notamment des consommateurs, les ententes sont donc interdites par l’article 81 du Traité instituant la Communauté européenne (TCE). Un régime d’exemption peut cependant autoriser un certain type de coopération qui améliore la distribution de produits ou permet le progrès technique, dans un secteur strictement défini. C’est le cas, par exemple, du régime attribué aux accords de distribution et de service après-vente des automobiles, ou bien des accords de spécialisation, de recherche et développement, comme il en existe dans l’industrie aéronautique ou aérospatiale.
Bruxelles a condamné deux cartels de la bière, en Belgique et aux Pays-Bas !
En Belgique
En décembre 2001, les services européens de la Concurrence avaient condamné le groupe agro-alimentaire français Danone, ancienne maison mère du brasseur Alken-Maes, et le belge Interbrew (devenu InBev) à une amende totale de 91 millions d’euros. Le géant français avait été tenu responsable tant de sa propre participation à cette entente illégale que de celle d’Alken-Maes et s’était vu infliger une amende de près de 44 millions d’euros.
Entre 1993 et 1998, Interbrew et Alken-Maes étaient respectivement n°1 et n°2 sur le marché de la bière en Belgique. « La décision de la Commission européenne concerne des acteurs majeurs de ce secteur, et une caractéristique exceptionnelle de ce dossier est l’implication personnelle des hauts responsables d’alors d’Interbrew, d’Alken-Maes et de Danone », avait souligné l’Italien Mario Monti, le Commissaire européen en charge du dossier à l’époque. Les dirigeants tant de Danone que d’Interbrew en poste se rencontraient régulièrement pour s’assurer qu’ils respectaient leurs positions respectives sur le marché belge.
Aux Pays-Bas
Dernièrement, le 18 avril 2007, par la voix de la Commissaire à la concurrence, Neelie Kroes, la Commission européenne a condamné les brasseurs Bavaria, Grolsh et Heineken à une amende totale sans précédent de 273, 8 millions d’euros pour s’être entendu secrètement, entre 1996 et 1999, sur la fixation des prix de la bière aux Pays-Bas.
N. Kroes a indiqué, par ailleurs : « Le message que j’adresse aux entreprises est clair. La Commission européenne ne tolèrera pas les cartels. Si vous faites partie de cartels, vous encourrez des amendes considérables. Ne vous y risquez donc pas. Si vous êtes déjà membre d’un cartel, avertissez-en la Commission pour obtenir l’immunité avant que quelqu’un d’autre s’en charge à votre place ».
Ø Les abus de position dominante
Il s’agit de contrôler la conduite d’une entreprise en position dominante sur un marché spécifique. Le traité de 1957 ne condamne pas en tant que tel le principe de la position dominante - soit disposer de plus de 50 % des parts de marché -, mais uniquement son abus !
Est donc considéré comme abusif tout comportement unilatéral inéquitable pour les concurrents et nuisant à une situation de concurrence normale telle que la sanction prononcée en 2004 à l’encontre de Microsoft [Voir encadré, ci-dessous]. Par exemple, si une entreprise dispose de 80 % d’un marché et décide de baisser massivement ses prix, elle agit de manière abusive et nuisible à la concurrence.
Amende record infligée à Microsoft pour violation des règles européennes sur la concurrence
En mars 2004, après cinq ans d’enquête, par l’entremise de M. Monti, la Commission européenne a confirmé la plupart des accusations et des sanctions évoquées depuis plusieurs années à l’encontre de Microsoft, et lui a infligé une amende de 497,2 millions d’euros pour ‘abus de position dominante’. Elle a exigé du géant informatique américain qu’il distribue dans l’espace économique européen une version de Windows sans son lecteur Windows Media Player (WMP).
La Commission a formulé à Microsoft deux griefs majeurs :
1. L’absence d’informations suffisantes fournies aux concurrents pour que leurs logiciels serveurs puissent être rendus compatibles avec les systèmes Windows fournis par Microsoft.
2. La « vente liée », soit la vente systématique, couplée, de Windows et du logiciel de lecture - intégré d’office -, Media Player.
Selon la Commission européenne, cette situation sur WMP entravait le choix du consommateur, la concurrence et l’innovation dans ce segment de marché. Microsoft « a abusé de son pouvoir de marché en limitant l’interopérabilité entre les PC équipés de Windows et les produits équivalents de ses concurrents, et en liant la vente de son lecteur WMP avec Windows, son système d’exploitation présent sur la quasi-totalité des PC vendus dans le monde ».
Aussi, Microsoft a donc été enjoint par la Commission d’adopter deux mesures correctives concrètes afin de mettre fin à cette situation anticoncurrentielle !
Ø Les concentrations
C’est le seul domaine qui n’ait pas été couvert, organisé, par le Traité de Rome étant donné que le problème des fusions ou acquisitions susceptibles de nuire à la concurrence ne se posait tout simplement pas dans les années cinquante. Ce n’est qu’en 1989 que l’on a mis en place une réglementation sur les concentrations d’entreprises.
Ces quelques dernières années, l’interprétation très restrictive de la Commission européenne a fait l’objet de nombreuses critiques, ci et là, dans la mesure où les règles pesant sur les concentrations entre entreprises européennes nuisaient à l’émergence de géants économiques européens capables de rivaliser avec les grands groupes américains, nippons ou autres.
A titre d’exemple, en 2004, la Commission a autorisé la fusion des compagnies aériennes Air France et KLM à condition qu’elles cèdent des créneaux aériens à leurs concurrents afin d’éviter que cette fusion-intégration réduise la concurrence dans ce secteur.
B. Les règles vis-à-vis des interventions étatiques
Ce second grand volet de la politique européenne de la concurrence s’inscrit tout autant que le premier dans la logique du marché intérieur. Comment imaginer une libre circulation des biens équitable, si certains États membres subventionnent leurs entreprises, tandis que d’autres ne le font pas ? Aussi, une réglementation très ténue de ces aides est apparue ces dernières années.
Les articles 87 et 89 du TCE posent dès lors le principe général de l’interdiction des aides d’État, lorsqu’elles risquent de fausser la concurrence. Des aides d’État qui peuvent prendre les formes suivantes : les subventions, les exonérations fiscales ou les garanties de prêt.
Fort heureusement, cette règle connaît également diverses dérogations, afin de continuer de disposer de possibilités de venir en aide à un secteur ou une région en difficulté, de favoriser notamment les aides à la R&D, aux PME ou à la protection de l’environnement, à la culture et à la préservation du patrimoine. Toutefois, les États membres qui entendent accorder ce type d’aides doivent obtenir l’autorisation préalable de la Commission, faute de quoi l’aide attribuée est réputée illégale. En effet, son remboursement pourra être exigé à tout moment par décision de justice.
Un autre domaine lié aux interventions d’État est celui des monopoles attribués autrefois à des entreprises, en charge de missions de service public, d’intérêt général. On a ainsi assisté ces quelques derniers temps à la libéralisation de secteurs qui relevaient il y a peu, dans la plupart des États membres, d’une situation de monopole : le secteur aérien, le domaine des télécommunications voire l’énergie. Dès 2011, ce devrait être également le sort réservé aux services postaux !
Dans le domaine des services publics comme dans celui de la compétitivité industrielle des entreprises de l’Union européenne (UE), la politique de la concurrence - actuellement dans les mains de la très libérale Commissaire néerlandaise Neelie Kroes -, est au cœur des grands débats européens.
A ce titre, le projet de traité constitutionnel (rejeté par nos voisins hollandais et français) rappelle la place occupée par les services d’intérêt économique général dans la promotion et le renforcement de la cohésion sociale et territoriale au sein de l’UE.
Il est prévu aussi que la réglementation européenne respecte le droit des États membres de fournir, de faire exécuter et de financer ces services particuliers.
Cependant, il est regrettable que le pendant social qui devait contrebalancer en principe les conséquences des privatisations et autres libéralisations n’ait jamais vraiment vu le jour. En l’état, pour N. Kroes et ses collègues de la Commission européenne, la ligne de conduite ne doit pas bouger d’un iota : il semblerait que c’est vers une Union européenne de la concurrence « pure et parfaite » que l’on doit continuer à se diriger.
S.B.

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