Piquets de grève et astreintes: un recours peut être utile
Les requêtes unilatérales devant le juge des référés pour obtenir des astreintes visant à la levée des piquets de grève sont le cauchemar des organisations syndicales. Le juge donne le plus souvent, sinon toujours, raison à l’employeur seul à argumenter devant lui. Et les recours en tierce opposition déposés par les syndicats pour s’y opposer, sans être forcément peu nombreux, défraient rarement la critique.
Car le plus souvent, ces recours sont tranchés bien après les événements qui ont donné lieu à la décision attaquée et tombent dès lors un peu à plat. Il n’empêche que ces recours ne sont pas toujours inutiles. Ils peuvent attirer l’attention de la Justice sur la crédibilité de l’employeur ou plus exactement son manque, voire son absence de crédibilité.
C’est ce qui s’est produit dans un conflit opposant la CGSP à une ville du Hainaut, conflit dont a eu à connaître la Justice montoise siégeant en référé. Ainsi donc en juin de l’an dernier, un conflit social surgit entre Le Roeulx et la CGSP au sujet des statuts pécuniaires des agents communaux et du CPAS. Le syndicat dépose un préavis de grève prévoyant une première action le 24 juin. Le 23 juin, la commune saisit le juge des référés en « extrême urgence » et obtient de lui qu’il soit interdit à quiconque d’entraver l’accès aux bâtiments communaux et aux festivités carnavalesques ( !) sous peine d’une astreinte de 2.500 euros par manquement constaté.
Le 25 juin, la CGSP introduit un recours qui sera tranché… le 2 mars 2011, les débats étant devenus contradictoires. La décision prise sur le recours de la CGSP n’est pas tendre pour la Ville que le juge taxe sans ambages de «menteuse» car elle avait été informée que les piquets de grève ne devaient nullement concerner les lieux ou manifestations décrits par Le Roeulx dans sa requête, mais bien au contraire une maison de repos du CPAS. Il n’y avait donc pas d’extrême urgence puisqu’aucune crainte d’un péril grave et imminent.
Nouveau mensonge de la Ville quand, dans sa requête unilatérale, elle affirme qu’il était impossible d’identifier la partie adverse. Le juge a souligné qu’au contraire, le préavis de grève avait été signé par la CGSP et ses représentants et qu’ils étaient dès lors bel et bien identifiables.
Une position judiciaire aura peut-être du poids dans d’éventuelles décisions futures. Si la CGSP a bel et bien gagné ce recours, il n’en reste pas moins que la Ville a berné la Justice. Une fois. Pas deux ?